Quinze ans de travaux et communications scientifiques francophones sur la construction et la reconnaissance des savoirs expérientiels des personnes atteintes de troubles de santé
À l’occasion des quinze ans de la parution en 2010 du double numéro 58-59 de la revue Pratiques de formation/ Analyses « Usagers – experts : la part du savoir des malades dans le système de santé »1.
Dossier coordonné par Emmanuelle Jouet, Luigi Flora et Olivier Las Vergnas
Constat de départ
En 2010, la revue PFA publiait dans son numéro double 59-60 un dossier consacré aux « Usagers-experts : la part du savoir des malades dans le système de santé »2 (dirigé par Emmanuelle Jouet et Luigi Flora) qui s’ouvrait par une note de synthèse titrée « Construction et reconnaissance des savoirs expérientiels des patients »3 (co-écrite par Emmanuelle Jouet, Luigi Flora et Olivier Las Vergnas). Ce dossier partait du constat que « les schémas de production et de reconnaissance des savoirs dans le domaine de la santé se modifient profondément : pour les pathologies chroniques notamment, les expertises propres aux malades émergent comme sources de savoirs : les stratégies classiques d’éducation thérapeutique, proposées par les soignants pour améliorer l’observance des traitements, se doublent de nouveaux courants issus des communautés de malades qui rattachent les maladies à des formations expérientielles, voire à des épisodes autodidactes. »
Concrètement, la note de synthèse resituait la reconnaissance des savoirs expérientiels des patients « constitutive de l’idée de démocratie sanitaire [et] en marche dans de multiples lieux – fait ici l’objet d’une revue de littérature qui en regarde les enjeux épistémologiques, thérapeutiques et de pouvoir. »4
Plus de quinze ans après sa publication, on peut constater grâce à des travaux bibliométriques5 que cette note de synthèse a joué un rôle clef dans l’émergence d’un courant de publications universitaires francophones explorant explicitement la question de ce(s) « savoir(s) « expérientiel(s) » en santé.
En approfondissant les analyses bibliométriques francophones6 consacrées à cette thématique des apprentissages liée au vécu et à l’expérience des troubles de santé, on observe que le paysage éditorial scientifique présente un fort développement, que l’on peut regarder comme composé en particulier de deux facettes :
(1) la première correspond à la publication de nombreux dossiers, numéros ou ouvrages à volonté plus ou moins structurante ou cumulative titrant explicitement sur cette même thématique des savoirs expérientiels regardés en particulier dans ce champ de la santé7,
(2) la seconde recouvre le déploiement des publications scientifiques ou professionnelles rattachées à cette logique mais s’appuyant sur des terminologies proches, liées également aux approches expérientielles en santé, comme les coopérations réflexives, les différentes médiations par les pairs, l’« expérience-patient » ou à des ingénieries associées, comme le « Modèle de Montréal », les différentes formes partenariat-patient, les recherches participatives ou la mise en place de systèmes de mesures des PREMs/PROMs8.
De plus, on assiste simultanément à la multiplication d’initiatives de création de dispositifs de formation, d’ingénierie ou d’accompagnement de projets locaux fondés sur l’une ou l’autre de ces approches (par exemple des plateformes de médiateurs et pairs aidants Espair-Pro ou CoFoR, système de certification CPEA).
Sollicitation pour un nouveau dossier pour la revue Pratiques de formation/ Analyses : « 15 ans après », affinements et filiations de la thématique des « savoirs expérientiels »
Ce contexte nous apparaît particulièrement propice à une exploration de la façon dont cette thématique a été affinée, transformée, appliquée voire instituée sur cette quinzaine d’années et sur les ressorts épistémologiques, sociétaux, territoriaux, disciplinaires, voire inter-individuels qui ont joué des rôles dans ces processus.
Dans cet esprit, l’idée est de produire aujourd’hui un nouveau dossier pour un prochain numéro de la revue centré sur cette question : quinze ans après, quoi de neuf ? En partant du principe d’une comparaison avec la vision exprimée dans le numéro de 2010, plusieurs questions pourront être ainsi explorées, telles que les suivantes : Comment cette notion de « savoirs expérientiels des personnes atteintes de troubles de santé » a-t-elle contribué à éclairer ou à changer les relations soignants-soignés ? Comment a-t-elle été critiquée, transformée ou approfondie selon les terrains ou les logiques qui se la sont appropriée ? En quoi ces thématiques et les recherches qui les concernent ont-elles contribué à modifier les formations des professionnels ou les systèmes dits d’éducation thérapeutique des personnes concernées ? Comment a-t-elle été mobilisée au service d’enjeux spécifiques d’acteurs ou devenue centrale dans des controverses concernant l’exercice de la médecine, la pratique des soins ou la place des usagers ? Comment a-t-elle servi de base à de nouvelles pratiques ou ingénieries ? Dans quelle mesure peut-elle être considérée comme une innovation sociale dont la diffusion peut se modéliser par un enchaînement de phases d’acceptation progressive ?
Centré sur une telle logique de point d’étape, un tel dossier présentera ainsi un double intérêt :
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Aider à faire le point des avancées des travaux sur ce sujet des apprentissages liés de près ou de loin à l’expérience (ou aux expériences) de troubles de santé, et de leur reconnaissance dans les écosystèmes de santé.
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Alimenter par une étude de cas les travaux épistémologiques sur les appropriations et transformations de notions nouvelles et de cumulativité ou non cumulativité à la frontière des SHS et de la médecine/santé.
Contributions attendues et auteur·es sollicité·es
Pour ce numéro, sont donc sollicitées des contributions de deux types d’auteurs :
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Celles des auteur·es du numéro originel qui pourraient être intéressé·es à commenter les évolutions de ces dernières années par rapport à leurs écrits de l’époque.
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Celles d’autres auteur·es travaillant sur ce champ ou sur celui des épistémologies contemporaines des SHS et qui voudraient situer les travaux par rapport à la vision de 2010 telle que l’on peut la percevoir au travers de cet ancien numéro.
Si vous êtes intéressé·es et souhaitez proposer un projet de contribution pour ce nouveau dossier, merci de nous adresser avant la date du 15 janvier 2026 une note d’intention d’environ une page, mentionnant la façon dont vous vous situerez par rapport aux textes et travaux présentés en 2010 dans le numéro 58/59 de Pratiques de formation/ Analyses.
Merci d’envoyer le cas échéant votre note d’intention simultanément aux quatre adresses suivantes : contact@pratiquesdeformation.fr ; olivier.lasvergnas@parisnanterre.fr ; jouetemmanuelle@gmail.com ; Luigi.FLORA@univ-cotedazur.fr
La ligne éditoriale de la revue est présentée ici : https://www.pratiquesdeformation.fr/71
