Lætitia Dostrevie et Camille Ramond font partie du collectif qui a piloté la préparation du présent numéro de Pratiques de Formation/Analyses, et ont eu l’idée de faire le récit de cette expérience. Ce projet de retour réflexif s’organisait autour de deux questions : comment ce groupe de travail, constitué dans un contexte universitaire et associant étudiant·es, chercheurs et chercheuses, acteurs et actrices de l’éducation populaire, contribue-t-il à « faire société » autour de cette thématique de l’éducation populaire ? En quoi ce groupe singulier devient-il, dans la rencontre entre recherche universitaire et pratiques sociales alternatives – voire en marge – un espace d’apprentissage mutuel, selon un esprit qui fait écho à un principe de l’éducation populaire ?
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Camille : Martine Morisse, ma directrice de mémoire de master de l’époque, a présenté à notre groupe de formation, en enseignement à distance en sciences de l’éducation, la relance de la revue Pratiques de Formation/Analyses à l’université Paris 8 lors de la rentrée universitaire 2021. La thématique prévue pour le numéro à venir en 2023 était l’éducation populaire. L’attrait pour ce domaine qui, par ailleurs, s’inscrivait dans mon champ d’investigation à cette même période, suscitait déjà un réel intérêt dans ma pratique. L’aventure a officiellement commencé le mercredi 24 novembre lors d’une réunion en visioconférence qui rassemblait les acteurs et actrices potentiel·les de la relance. Les présentations des différentes personnes s’enchaînaient, jusqu’à la mienne, où j’ai évoqué ma reprise d’études. Je me suis vite rendu compte que j’étais l’unique étudiante de ma promotion mais je me suis engagée, malgré tout, dans cette organisation qui m’était inconnue, tout en essayant de raccrocher les wagons ratés auparavant. Ce jour-là, l’écoute et la prise de notes n’auront jamais fait l’objet d’autant de rigueur de ma part, puisqu’en effet, j’appréhendais un nouvel univers avec ses codes et son jargon spécialisé. Chaque sigle entendu était scrupuleusement noté pour saisir ce champ que j’aimais découvrir et pourtant, me semblait tant éloigné de mon quotidien. En aval, les recherches menées venaient, au fil du temps, compenser mes lacunes afin que j’intègre plus aisément ce nouveau groupe au sein duquel je voulais m’inscrire. L’observation m’était nécessaire pour entrevoir comment ce processus de construction en commun allait opérer sans que je puisse vraiment déceler mon apport dans ce groupe à cet instant.
Lætitia : Personnellement, au moment de mon arrivée dans le groupe, après un master 2 à Paris 8, je me réjouissais à l’idée de participer à un groupe de réflexion sur l’éducation populaire. Par chance, je trouvais de quoi relier pratique et réflexion critique à travers l’objectif que portait le projet du groupe. Mais en rencontrant les autres personnes – dont certaines avaient largement influencé mes travaux – je ne me sentais pas forcément légitime pour faire partie du projet. Cette illégitimité venait aussi du fait de mon inexpérience en matière de construction d’une revue scientifique. Cependant, très rapidement, je me suis sentie à l’aise pour partager ma réflexion, mes idées et le fruit de mes recherches en la matière : je suis passionnée par le sujet. J’étais ravie de voir que nos propres expériences d’éducation populaire, singulières, résonnaient avec celles des autres ou soulevaient des questionnements partagés, réélaborés collectivement.
C : La première réunion du numéro sur l’éducation populaire a eu lieu le mercredi 22 décembre 2022. La définition des grandes orientations s’est déroulée à partir de la question suivante : « qu’est-ce que l’éducation populaire aujourd’hui ? ». Les idées fusaient naturellement, à la manière d’un brainstorming. Je buvais attentivement toutes les paroles de cet entourage qui proposait un bon nombre d’idées, étonnantes parfois, afin d’attirer les futur·es contributeurs et contributrices ainsi que lecteurs et lectrices de ce prochain numéro. L’imagination débordante que suscitait cette thématique m’éclairait sur les positions prises par les membres de ce nouveau groupe que j’apprenais à connaître à chaque nouvelle séance. L’association d’idées se libérait, allant jusqu’à la postulation d’une dystopie comme point de départ, un horizon apocalyptique du fait d’échanges s’animant autour des crises. La fluidité des interventions soulevait des mots-clés qui se répétaient comme la question du politique, du militantisme, de la résistance sociale et du renouveau toujours pensé à partir d’une pratique de terrain.
L : À partir de la liste des tâches à réaliser pour le projet d’édition, il a fallu rédiger un appel à contributions. Pour cela, nous avons répertorié et thématisé les propositions, accompagné parfois l’écriture de certaines d’entre elles, fait des allers et retours pour la construction de ce texte, puis organisé une parution selon les échéances de l’éditeur. La première tâche a consisté à se fixer un calendrier, puis à formuler l’appel à communication, traditionnel dans le cadre de revues scientifiques.
C : Rapidement, la question du calendrier a été évoquée, ce qui m’a permis de comprendre les étapes nécessaires à la constitution d’une revue. De ces échéances découlait une phase de lecture, de sélection et d’évaluation des textes que nous allions recevoir par la suite. En parallèle de cette construction, les plus initié·es se proposaient de mener un travail de recensement sur les travaux actuels et passés dans le but de définir une bibliographie sélective. Cette recherche alimentait le cadre d’analyse de la revue. De cet ensemble, une réflexion foisonnante s’articulait au fil du temps. Les plus hésitant·es étaient appelé·es par celles et ceux qui avaient le plus d’aisance à la parole dans ce champ, de sorte que l’appellation même de notre revue s’inscrive dans notre fonctionnement. Nous nous organisions en tâtonnant, mais en gardant toujours comme orientation, dans l’ensemble du processus, le champ de l’éducation populaire, afin qu’elle soit appliquée à notre manière même de construire le projet de numéro. Il ne s’agissait pas simplement de parler de l’éducation populaire, mais d’en faire une pratique dans notre propre groupe rassemblant divers profils.
L : Rédiger un appel à contributions supposait d’évoquer la situation de l’éducation populaire aujourd’hui, et pour cela de se donner avant tout une définition commune : il a fallu revenir sur la notion, sur son histoire, et retracer son évolution, avant de dire ce que nous percevions de son actualité.
C : En bas de ma feuille de notes, je transcrivais ces mots entendus qui, finalement, m’évoquaient une pratique que je menais quotidiennement en tant que professionnelle. Je ne m’inscrivais pas dans le champ de l’éducation populaire car il n’y avait aucune formalisation à ce sujet sur mon terrain. Pourtant j’avais le sentiment, en écoutant les échanges, d’être au centre de cette problématique. Les discussions venaient conforter ma conception de ce qu’est l’éducation populaire. Alors que j’étais prise à rêver sur ce qui faisait résonance en moi, une personne du groupe interpellait les personnes restées silencieuses, et dont je faisais partie. Jusque-là, j’étais demeurée discrète, sans m’être positionnée, et je me suis alors exprimée sur ce vagabondage de mes pensées. Le brainstorming s’est terminé par l’énumération du travail à mener collectivement lors de notre prochaine rencontre. Les échanges par e-mail s’ajoutaient à notre organisation, afin de poursuivre cette réflexion qui visait à trouver une ligne de conduite plus précise, pour inclure notamment les personnes souhaitant nous rejoindre.
L : L’objet concret commun qui fédère le groupe, outre l’attrait pour la notion d’éducation populaire, est de faire paraître une revue sur le sujet : la rendre visible, presque palpable. Cette tâche suppose d’abord de savoir ce que l’on cherche à récolter, à mettre en lumière et à interroger. Très vite est apparue la question de la forme que pourrait prendre le numéro, l’enjeu étant d’inclure d’autres voix concernées par le sujet, au-delà du cadre formel universitaire et scientifique. Il ne fallait pas perdre de vue les destinataires de notre publication, tout en respectant une rigueur scientifique : nous ne pouvions pas laisser transpirer un point de vue unique qui orienterait la lecture de ce qu’est aujourd’hui l’éducation populaire. Il fallait que chacun·e puisse se reconnaître dans les textes produits.
C : De nouvelles rencontres s’ajoutaient à cette dynamique, lors des réunions suivantes, puisque des personnes intégraient le groupe au fil de sa construction. Il fallait conjuguer les emplois du temps de chacun·e, entre les étudiant·es, les enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses, ainsi que les praticien·nes. Il fallait également composer avec le décalage horaire pour l’un de nous, éloigné de l’hexagone.
L : Approfondir nos connaissances avec différents points de vue a permis de poser des bases et d’établir une culture commune sur laquelle nous appuyer pour avancer collectivement. Ces moments de partage, de reformulations, de questionnements, d’échanges et de réflexions à voix haute étaient tellement riches, que lever le nez de la visioconférence était prendre le risque de rater des éléments. Pour ma part, la prise de notes me paraissait affaiblir la qualité des éléments apportés par les participant·es. Ces débats, malgré le format à distance, ont permis d’ancrer une identité collective et, même si l’on faisait des résumés de nos séances, l’essentiel n’était pas sur le papier. Il me semble que nous partagions l’envie de stimuler notre esprit critique sur l’actualité de ce qui reste de cette « notion ». À titre personnel, je pense que c’est aussi parce qu’il n’existe pas de définition stabilisée que l’éducation populaire devient une notion passionnante, en termes de réflexion et de confrontation au réel. En d’autres termes, l’envie partagée était de réunir dans cette revue des personnes ayant les mêmes pratiques, et portant les mêmes questionnements. C’est ce que le groupe m’a apporté.
C : Les suggestions précédemment formulées quant à l’orientation du numéro prenaient forme. Trois axes ont été définis à partir du moment des crises, des ruptures et des déséquilibres. Le premier touchait à l’histoire de l’éducation populaire en restituant son contexte d’origine, afin d’arriver au second axe, relevant plutôt de l’histoire récente. Enfin, le groupe s’accordait à vouloir débusquer des formes insaisissables d’expériences marginales, dissidentes, critiques qui s’exprimaient sur le terrain. Les propositions des membres venaient préciser nos orientations qui consistaient à aller chercher ce qui nous échappe, notamment les liens entre l’émancipation et la transformation, des notions au centre de ce champ. L’outil de la cartographie a été ensuite imaginé. La volonté était de tenter de rendre saisissable ce qui ne l’était pas, en dessinant les contours sans circonscrire la thématique à un cadre limité. Le travail de problématisation ouvrait de nouvelles questions et chacun·e apportait ce qu’il et elle avait comme ressource.
L : Interroger collectivement la notion d’éducation populaire nous a permis de cerner certains invariants, de repréciser ses différentes nuances et surtout de créer une identité commune, porteuse d’une volonté de savoir : où en est l’éducation populaire aujourd’hui ? Pour moi, elle se situe entre Geneviève Poujol, et son constat de la disparition de l’éducation populaire à l’aube du xxie siècle, et Alexia Morvan pour qui la renaissance de l’EP en cours est nécessairement « politique ». Au fil du temps, le groupe a développé et cultivé ses connaissances pour établir un corpus commun.
C : Penser le titre était une nouvelle manière de donner une ligne directrice à ce futur numéro. Chacun·e cherchait, en silence, des titres accrocheurs avec les mots-clés qui avaient émergé. Les propositions s’accumulaient au fil de discussion, par le biais de l’écriture cette fois-ci. Elles ont été reprises et mises en discussion oralement et répertoriées par la suite dans un document en ligne. De cette manière, chacun·e pouvait le compléter à sa guise pour prolonger le brainstorming, argumenter les propositions ou encore se poser des questions. Ces outils maintenaient les liens entre les membres du groupe, en dehors des temps de rencontre. Ils devenaient un fil conducteur dans l’élaboration de notre réflexion où chacun·e s’autorisait à alimenter les échanges entre les réunions.
L : Au-delà du travail coopératif, la thématique de l’éducation populaire vient interroger la cohérence même de notre groupe de travail, notamment dans sa dynamique, qui n’est pas séparée de son objet de recherche. D’une part, le groupe est devenu collectif car chacun·e provenait d’univers différents, se réunissant autour d’un projet commun. D’autre part, le groupe a fonctionné avec ses singularités, contribuant ainsi à produire du commun, au-delà de symboliques sociales individuelles (illégitimité, prestige social, etc.). Ceci s’illustre par des moments où des membres sollicitent la contribution de chacun·e, sur un avis ou sur une tâche à effectuer. De plus, une attention particulière était aussi portée aux débutant·es qui n’osaient pas, étaient réservé·es ou en phase d’observation.
C : Le texte de cadrage évoluait au gré des retours reçus durant le mois écoulé. Le constat était relativement mitigé ; ce qui semblait clair pour les un·es pouvait paraître complexe et difficilement accessible pour les autres. Le caractère universitaire prédominait d’emblée, pouvant ainsi freiner quelques dynamiques. Ce constat a suscité de nouvelles perspectives dans la démarche afin que l’appel à contributions soit plus largement diffusé pour toucher une diversité de professionnel·les et/ou de bénévoles impliqué·es dans des actions d’EP au-delà de la sphère universitaire. Nous avons imaginé un travail complémentaire où les idées jaillissaient : une lettre d’accompagnement ? Une vidéo montrant un échange polémique à l’image même de ce qu’il se passe en ce moment ? Malheureusement, la réalité des moyens en notre possession, humains et matériels, nous a vite rattrapé·es.
L : Dans le cadre d’une revue universitaire, notre objectif était aussi d’identifier ce qui fait la spécificité des pratiques d’éducation populaire. Une fois la première version de l’appel à contributions rédigée, le groupe a fait le choix de le « tester » auprès des personnes qui nous entourent. Nous souhaitions vérifier que notre propos était suffisamment clair : il fallait adapter notre communication au public visé, comme diraient les professionnels de l’animation. Comment faire pour intéresser celles et ceux qui « en font mais ne s’en revendiquent pas », pour reprendre les termes de Geneviève Poujol ? Ceci m’a permis de constater que mon réseau comprenait non seulement des praticien·nes, mais aussi des universitaires. C’est ce qui explique que la légitimité à participer à l’écriture du numéro peut faire défaut : dans quel monde je me situe ? Comment faire pour légitimer celles et ceux qui font vivre l’éducation populaire de manière souterraine ? Comment donner à l’éducation populaire une place légitime et officielle dans une revue scientifique et universitaire ?
C : L’idée d’un texte d’accompagnement, plus accessible, a été retenue par le groupe. Les rôles se partageaient et deux personnes ont proposé de s’y atteler pour le présenter avant notre prochaine réunion. La lettre d’accompagnement allait donc s’ajouter au texte de cadrage pour encourager les professionnel·les et militant·es d’éducation populaire à participer au numéro. La date de diffusion de l’appel à contributions approchait grandement, sans que nous ne sachions quelle ampleur prendraient les réponses. D’emblée, l’équipe s’est accordée à dire qu’il fallait imaginer diverses rubriques, et aussi penser un prolongement du numéro si les contributeurs et contributrices étaient trop nombreux et nombreuses. En effet, personne ne souhaitait refuser des propositions sur le seul critère des axes présentés dans l’appel. Une grille d’évaluation semblait nécessaire aux textes scientifiques tandis que pour les autres, l’évaluation se voulait plus ouverte. D’une certaine manière, l’encouragement à participer, formulé dans cet appel, me rassurait également en tant que future contributrice. Ma contribution était pensée sous deux angles. Le premier, en collaboration avec une collègue de la revue, serait de raconter ce moment de construction et d’organisation commune de ce numéro sur l’éducation populaire, qui prend sens au cœur même de notre fonctionnement. Le second s’inscrirait dans mon terrain de recherche parce que « la place des personnes vivant dans la rue dans le conseil d’administration de l’association, c’est tout de même pas banal » me rappelait Martine.
L : Les premières réactions au « test » de l’appel à contributions ont mis en évidence nos complémentarités et nos différences, démontrant ainsi que tout dépend aussi du lieu où l’on se place. Certain·es ont eu des retours positifs et d’autres ont trouvé que le texte n’était pas suffisamment clair. Pour certain·es praticien·nes, le langage utilisé a pu freiner les volontés. C’est pour cela qu’il est apparu essentiel de joindre une lettre à l’appel, en utilisant un ton plutôt enjoué et léger, l’idée étant qu’elle parle à tout le monde. Cet appel à contributions représente une occasion unique de revoir nos perspectives, de faire émerger ce que l’on ne connaît pas encore, de réactualiser nos connaissances sur cette notion, à l’aube du second quart du xxie siècle. C’est l’occasion de concevoir un numéro de revue qui pourrait peut-être faire date dans l’histoire de l’éducation populaire, si l’on parvenait à « débusquer » les pratiques actuelles, à les rendre visibles et audibles en partant des terrains.
C : Au cours du mois d’avril, un petit comité s’est constitué en amont du rassemblement. Ce groupe restreint avait pour objectif de travailler de nouveau sur l’écriture du texte final, à partir des propositions de tous les membres présents lors de son élaboration. La relecture finale du texte de l’appel s’est faite collectivement avant sa diffusion, avec quelques personnes seulement dans un premier temps. La validation engageait une phase de test pour se confronter à des lecteurs et lectrices extérieur·es au groupe. Elle précédait l’envoi aux réseaux de l’éducation populaire, prévu durant la période estivale. Selon le planning, après à la réception des textes, à la rentrée, tout un suivi était prévu avant la publication en septembre 2023. Le mode d’organisation avançait chemin faisant. On proposait spontanément des idées, en toute liberté, pour questionner leur pertinence et leur faisabilité. Les derniers échanges pointaient des mouvements ou des réseaux à solliciter, lors du lancement officiel de l’appel. On échangeait les carnets d’adresses jusqu’à imaginer recueillir des témoignages auprès des réseaux zapatistes ou encore de la Zad de Notre-Dame-des-Landes. À cet instant, je mesurais la complémentarité du groupe. Tandis que certain·es évoquaient des réseaux institutionnels nationaux, d’autres, dont je faisais partie, proposaient des pratiques dites plutôt marginales. La dynamique était aussi encourageante que stimulante, si bien qu’à l’issue de mon mémoire, je me suis décidée à écrire un article.
C : Les rencontres se succédaient à l’approche de la période estivale. Les éléments évoqués s’articulaient autour de la version finale du texte de l’appel, la lettre d’accompagnement du numéro, le rappel des consignes aux futur·es contributeurs et contributrices, la liste des expert·es pour l’évaluation des textes et, enfin, les avancées sur le recensement des thèses. Pour la dernière fois, le texte de l’appel a été revu puisque, malgré les suggestions précédemment formulées, la question n’avait pas été tranchée. Les membres parcouraient le texte tandis que certains extraits, questionnés en amont, étaient de nouveau ouverts à la discussion, cette fois pour un arbitrage définitif. Le titre a ensuite été mis en débat car il ne satisfaisait pas tout le collectif. Le support de rédaction collective en ligne a été rouvert, tout comme les pistes proposées en son centre à l’issue du brainstorming des premières séances. Le titre « L’éducation populaire dans tous ses états : entre résistances et métamorphoses » était l’aboutissement de notre discussion. Le terme « recherche » laissait place à « tous ses états » puisqu’il interrogeait la crise, pas citée dans le titre, auquel le projet de numéro faisait écho malgré tout.
L : Réfléchir à la manière dont s’est constitué le groupe de travail sur la revue invite à une mise en perspective chronologique d’expériences individuelles vécues au travers d’un collectif, qui s’est constitué autour d’un objet en commun : l’éducation populaire. On parle ici d’une expérience collective qui cherche à faire émerger les pratiques de l’éducation populaire, les manières de « faire société ». Produire un numéro sur l’éducation populaire ne pouvait faire l’économie d’une réflexion sur le collectif porteur de ce projet, d’une analyse de l’expérience vécue par le groupe, directement en lien avec son objet de recherche.
C : La lettre d’accompagnement qui serait incluse dans le mail d’envoi était le point suivant dont chacun·e s’autorisait à formuler une critique. Le ton dynamique contrebalançait grandement le format universitaire du texte de cadrage pour ouvrir, nous l’espérions, au plus grand nombre.
L : Rédiger la lettre d’accompagnement était encore un défi pour les pratiques d’EP : un des membres les plus âgés collaborait avec un des membres les plus jeunes du groupe. La formalisation d’une première version a ensuite permis de laisser place à l’autre, faisant naître une parole à deux voix. S’engager dans des allers et retours dans l’écriture et dans la réflexion est ce qui définit l’essence de notre groupe : au départ, l’écriture se propose à deux voix, puis avec l’ensemble du groupe.
C : La période estivale se faisait sentir dans le groupe, le nombre de participant·es aux réunions s’amenuisant au fil du temps. Les contraintes de chacun·e décalaient les horaires des réunions, certain·es arrivaient en cours de route. Leur attente était l’occasion de se réjouir des bonnes nouvelles annoncées par les membres présent·es, reflétant la construction d’une véritable dynamique. L’objet de la rencontre s’animait principalement autour de la question suivante : « comment s’organise-t-on ? ». La diffusion de l’appel nécessitait une organisation bien ficelée et une projection jusqu’à la rentrée.
Les supports semblaient tout à fait prêts pour l’envoi mais il manquait une organisation commune pour la diffusion. L’idée de créer une messagerie a émergé, ce moyen semblant être le plus pertinent pour recenser les informations. Je me suis donc chargée de la création d’une messagerie, accessible par tous et toutes. Un fichier partagé, répertoriant les destinataires de l’appel, permettait à chacun·e de se positionner selon son carnet d’adresses. Grâce à notre messagerie partagée, nous pouvions recevoir les propositions de textes. Nous avons réparti la veille de cet outil entre les membres disponibles pendant l’été afin de répondre aux éventuels questionnements des contributeurs et contributrices. Tandis que certain·es confiaient ne pas être à l’aise avec ces outils électroniques, d’autres proposaient de leur venir en aide au moment du passage de relais. L’apprentissage, facilité par le partage d’écran, se poursuivait par les explications données une fois, deux fois, puis en groupe restreint le cas échéant. On croisait les agendas pour arriver à couvrir les mois à venir jusqu’à la fin du mois de septembre, date de notre prochain rassemblement.
L : Au moment où nous finalisons l’écriture de ce témoignage, quelques mois avant le bouclage du numéro, plusieurs défis restent à venir dans cette aventure collective : quels seront les articles retenus ? Quelle forme prendront ces contributions, et comment les rendre accessibles à tous ceux et toutes celles qui nourrissent un intérêt pour l’éducation populaire, par leurs connaissances et/ou par leurs pratiques, souvent indicibles ? Comment faire dialoguer la recherche et la pratique dans une même revue ? Comment ne pas exclure les praticien·nes d’une production qui se construit dans un contexte universitaire et scientifique ? Comment faire pour que la revue PF/A légitime une notion et des pratiques dans le champ de l’éducation populaire ?