L’éducation populaire (EP) a connu des sens, des significations et des pratiques très différentes, voire concurrentes, en fonction des époques et de ses porte-paroles1.
Tout au long de la deuxième moitié du xxe siècle, plusieurs transformations de l’éducation populaire semblent poser les bases d’un double mouvement : d’une part, un mouvement d’institutionnalisation, soit de renforcement des relations entre l’État et les structures d’éducation populaire ; d’autre part, un mouvement, plus récent, de renouvellement de pratiques qui permettent de retrouver des marges de manœuvre politique.
Le premier mouvement est lié au développement du temps libre, des loisirs, des médias et à leur mise en équipements et leur professionnalisation. Le « renforcement du rôle de l’État2 », s’il offre un espace institutionnel aux associations d’éducation populaire, les contraint également à faire avec de nouvelles méthodes de gestion du service public, instaurant des modalités de financement contractualisées par projets d’action avec une obligation de résultat3. Les logiques de marché s’introduisent peu à peu dans le fonctionnement des associations, avec le risque que la recherche de subventions sur projets conditionne les objets et les modalités d’action des structures : « Ce ne sont plus les associations d’éducation populaire qui inventent de nouvelles formes d’intervention éducatives, c’est l’État qui les définit pour elles4. »
Cependant, certains auteurs5 nuancent cette analyse, pour faire l’hypothèse de nouveaux modes d’articulation entre animation socioculturelle et projet politique. Ainsi, le second mouvement est celui d’un renouvellement du projet politique et philosophique de l’éducation populaire. Émerge une nouvelle forme de rapport contestataire au politique, une critique sociale qui réaffirme un projet d’« éducation politique et civique des adultes6 ». On retrouve là une préoccupation ancienne dans le champ de l’éducation permanente7, qui interroge la nature des savoirs (scolastiques ou fruits de l’expérience), leur circulation, leurs fonctions, leurs modes de transmission. Cette réaffirmation de la dimension politique de l’éducation populaire8 se traduit par l’expérimentation de pratiques encourageant explicitement la conscience critique et l’exercice politique démocratique du plus grand nombre.
La repolitisation de l’éducation populaire apparaît comme un « réenchantement » de la notion, de ses pratiques concrètes et de sa portée transformatrice9. Aussi, l’apparition de nouveaux espaces de contre-pouvoir dans la société civile vient réinterroger les manières de « faire société » et l’articulation avec des intérêts individuels et collectifs.
Elle (ré)interroge aussi le sens et les conditions de la démocratie et de la citoyenneté10 à partir de nouvelles formes de délibération, la renaissance d’un espace « hors du champ des organisations politiques11 ». Dès lors, peut-on considérer que ces mouvements illustrent une nouvelle forme d’éducation populaire ?
À partir de ce constat, deux questions traversent la problématique de ce numéro.
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En partant du postulat que « l’éducation populaire » est une notion en évolution permanente, qui fait encore recherche : quelles sont les tensions que traverse ce mouvement, de quelles manières s’expriment-elles concrètement sur le terrain ? Quelles marges de manœuvre l’éducation populaire se donne-t-elle entre son incorporation dans des espaces institutionnels formalisés (avec la récente intégration des services Jeunesse et sports à ceux de l’Éducation nationale, par exemple) et l’inédit critique et transformateur qui la caractérise ?
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Quelles sont les formes de renouvellement et de réinvention de l’éducation populaire (autour de nouveaux objets, de nouveaux terrains, de nouvelles pratiques ou de champs d’intervention) ? Sur quelles résistances ou alliances se redéploie-t-elle dans le contexte actuel ? Y a-t-il des dimensions éducatives spécifiques à ces formes alternatives ? Le cas échéant, comment ces méthodes de pédagogie active rencontrent-elles de nouvelles pratiques, dites participatives ou collaboratives ? En quoi celles-ci viennent-elles requestionner le concept de démocratie ? Quels sont les nouveaux courants de pensée, les nouvelles approches scientifiques ou techniques sur lesquels s’appuie l’éducation populaire ? Se réfère-t-elle aux mêmes racines théoriques, pratiques et politiques que celles de l’EP des siècles derniers ?
Ce numéro a comme spécificité de réunir des acteurs et actrices impliqué·es dans ces mouvements et expériences d’éducation populaire : militant·es, salarié·es et responsables de structures associatives, mais aussi chercheurs et chercheuses. Les contributions réunies dans quatre rubriques (Recherche ; Cheminements ; Témoignages ; Choses lues, entendues et vues), présentent des contenus diversifiés, des expériences singulières ou collectives, des monographies d’actions en cours et en devenir ; et bien sûr, des articles scientifiques.
Les textes rassemblés dans ce premier numéro sur l’éducation populaire permettront ainsi aux lecteurs et lectrices d’appréhender la manière dont, au fil de l’histoire dans certains cas, de manière immédiatement contemporaine dans d’autres, des structures d’éducation populaire se sont situées à l’intersection de ces deux mouvements d’institutionnalisation et de dépolitisation, selon les cas se sont adaptées, ont résisté, se sont réinventées. Ils apportent ainsi une variété de réponses aux deux axes de questionnement cités précédemment.
La rubrique Recherche regroupe quatre textes. Le premier, de Jean-Marie Bataille, présente l’historique d’un pan de l’éducation populaire qui trouve ses origines dans des courants anglo-américains, débutés au cours du xixe siècle, à l’origine de la création des centres sociaux en France. Ce récit décrit avec précision différentes formes de construction de l’éducation populaire, aidant à comprendre l’origine du mouvement coopératif qui se développera dans le milieu rural, à partir de l’œuvre de Robert Owen. De ces mouvements coopératifs naîtront ensuite des « résidences sociales », notamment le Toynbee Hall créé par Henrietta et Samuel Barnett dans l’est de Londres qui vise à promouvoir des activités d’éducation populaire auprès des populations défavorisées des grandes villes. Le projet de Barnett, développé aussi par John Ruskin, consiste à mieux comprendre « les pauvres », à répondre à leurs besoins en menant des enquêtes et en leur donnant la possibilité d’accéder à l’art et à la culture. Et puis à Chicago, en 1887, des initiatives sont portées par Jane Addams et Ellen Gates Starr, qui ouvriront un Hull-house dans lequel il s’agit de mener des activités de voisinage, de proposer des formations et des conférences, avec la participation notamment de John Dewey. Ces mouvements prennent appui sur des convictions politiques ancrées dans une conception égalitaire et anticapitaliste, de transformation sociale, se distinguant de l’action d’Owen, dont l’approche de l’éducation restait paternaliste. Cette démarche rétrospective nous interroge sur le sens de l’éducation populaire aujourd’hui, sur sa portée politique, en s’intéressant à son sens, à travers les époques et à partir de différent·es promoteurs et promotrices de ces mouvements. Ce texte fait écho à celui proposé par Mathieu Depoil, qui interroge la place du capitalisme dans l’éducation populaire.
L’article de Vivien Soldé, consacré aux ciné-clubs, porte sur la transformation de ces espaces d’éducation populaire à travers une approche d’abord historique : leur discrète émergence avant la Seconde Guerre mondiale, leur développement à partir de la Libération, leur déclin – visible déjà dans les années 1970 et s’accentuant à partir de la décennie suivante –, plus tard la transformation de certains de ces ciné-clubs en cinémas d’art et essai. L’auteur organise son étude en analysant les revues publiées par les fédérations de ciné-clubs. Pour rendre compte de ces évolutions globales, il mobilise par ailleurs une perspective située en s’appuyant notamment sur l’étude de deux structures. Le texte de Vivien Soldé met en lumière la variété des facteurs qui déterminent les métamorphoses des ciné-clubs au fil de leur histoire. C’est notamment avec cette mise en perspective des manières de concevoir « l’éducation cinématographique » que l’auteur nous aide à penser les modalités d’inscription des ciné-clubs dans la, ou dans les traditions de l’éducation populaire, leurs métamorphoses conjointes, et tente de répondre à la question qui constitue le titre de son article : « Y a-t-il encore des ciné-clubs aujourd’hui ? »
L’article de Fabien Granjon fait état des tensions qui traversent le mouvement d’éducation populaire. L’auteur décrit les modalités et principes développés par la compagnie Lubat à Uzeste, pris entre, d’une part, un mouvement « solidariste » reposant sur les valeurs d’une ruralité populaire locale et basées sur l’entraide, une morale qui vise à se mettre au service du collectif et d’une réciprocité ; et, d’autre part, celui fondé sur l’imaginaire, cultivant l’esprit critique, à partir des principes théoriques basés notamment sur la poétique et la philosophie de la relation (en référence à Édouard Glissant), et tournés plutôt vers des collaborations avec des artistes extérieurs, comme des dramaturges et des philosophes. Ce double mouvement produit une véritable situation critique, qui se retrouve aussi dans d’autres lieux culturels qui vivent ainsi des métamorphoses que l’auteur relate avec talent. Ce texte interroge les principes de la théorie critique dans le champ de l’éducation populaire, que l’on trouve aussi dans le texte de Hugues Lenoir, inspiré cette fois des théories libertaires, à partir de la description de trois expériences d’éducation populaire dont il décrit les fonctionnements.
L’émancipation par l’économique est bien souvent un angle mort de l’éducation populaire. C’est tout l’intérêt de l’article collectif proposé par Florian Barès, Marius Chevallier, Aurélien Malphettes et Sandrine Rospabé que de nous faire part d’une recherche portant sur le restaurant Metroloco, une entreprise coopérative jeunesse créée en 2019 dans les Landes. Ce modèle, fondé sur l’accompagnement de jeunes saisonniers à l’entrepreneuriat, est riche en enseignements pour qui cherche à trouver le bon curseur entre accompagnement et agentivité dans le champ de l’économie sociale et solidaire. Les questionnements soulevés concernent la méfiance à l’égard de la jeunesse locale, la répartition des revenus et du pouvoir, quand les inégalités socioculturelles ne sont jamais loin. Ils portent aussi sur les solutions expérimentées par les porteurs du projet, qui s’appuient sur des outils utilisés de longue date en éducation populaire. Elles offrent matière à réflexion sur les possibles que permet l’entrepreneuriat, lorsqu’il se construit dans une perspective coopérative.
Pour ouvrir la rubrique Cheminements de ce numéro, nous proposons aux lecteurs et lectrices de découvrir la conférence donnée par Francis Danvers à l’occasion du 120e anniversaire de l’université populaire de Lille (UPL), en 2019, dans une version retravaillée par l’auteur en vue de cette publication. 120 années : voilà un bel empan pour analyser les transformations non seulement d’une structure d’éducation populaire particulière (l’UPL), mais aussi du mouvement plus large dans lequel elle s’inscrit, et plus généralement de l’éducation populaire. Très fin connaisseur de l’UPL (il en est le vice-président) et du mouvement des universités populaires en général, Francis Danvers fait en effet de ce retour sur l’histoire de la première une occasion de penser celle du second. Il nous offre par ailleurs des outils théoriques précieux pour penser de manière plus transversale les métamorphoses de l’éducation populaire, ainsi par exemple avec les « dix déclinaisons du changement » évoquées pour penser une « période indéterminée de transitions » multiples. Ce texte illustre brillamment une tension qui traverse l’ensemble de ce numéro, entre d’une part le sentiment de mutations radicales qui semblent régulièrement menacer les projets et les idéaux de l’éducation populaire, et d’autre part l’ingéniosité avec laquelle les acteurs de ces projets élaborent de nouvelles manières de penser et d’agir. Il montre surtout que de telles « transitions » ne sont pas nécessairement nouvelles. Pour reprendre les termes de l’auteur : « à chaque génération ses défis dans le passage de témoin ».
Dans son texte intitulé « Une éducation populaire toujours émancipatrice. Les expériences des militant·es de la Fédération anarchiste », Hugues Lenoir décrit trois expériences en milieu libertaire : la Dionyversité, université populaire de Saint-Denis créée en 2008, qui a évolué vers la création et le développement d’une Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) ; l’université populaire et libertaire du 11e arrondissement à Paris, qui fonctionne depuis 2015 ; et Radio libertaire, créée en 2001. En ce qui concerne le fonctionnement de l’Amap, comme pour les deux autres expériences, elle repose uniquement sur du militantisme et du bénévolat, cherchant à instaurer des rapports de coopération entre les acteurs et actrices impliqué·es dans chacun des projets, visant ainsi à faire l’apprentissage direct de l’autogestion. L’université populaire et libertaire du 11e arrondissement, animée par un groupe de militant·es du groupe Commune de Paris de la Fédération anarchiste, propose des débats autour de livres ou des projections de documentaires à dimension sociale. Plus récemment, l’idée d’organiser des « causeries populaires » s’est développée. Au sein de Radio libertaire, chacun·e peut exercer son droit d’expression, apprendre à commenter, penser, organiser… ou encore acquérir des techniques en radio, traiter de différents sujets en dehors des cadres conventionnels et des discours médiatiques et convenus. Ces actions, visant à promouvoir l’esprit critique, à comprendre qu’une société sans le pouvoir est envisageable, sont analysées dans un texte qui fait largement référence à des auteurs et autrices ayant participé au développement du mouvement libertaire, et qui ouvrent sur des perspectives émancipatrices parfois oubliées.
En mettant le sens de l’éducation populaire en débat, le texte de Mathieu Depoil, « Du capitalisme en éducation populaire ? », dresse avec talent un portrait critique de l’évolution de l’éducation populaire aujourd’hui. S’appuyant sur ses propres recherches et sur son expérience de responsable associatif, il interroge le sens de l’« innovation » aujourd’hui, terme plutôt galvaudé qui tend à se confondre avec un discours managérial conduisant à la promotion de l’éducateur et de l’éducatrice libérale – la collaboration plutôt que la coopération. L’auteur décrie ainsi une évolution qui va vers ce qu’il nomme un capitalisme d’activité. Contre la tendance néolibérale, à laquelle chacun·e se trouve confronté·e, il appelle à un repositionnement éducatif, par le développement d’une conscience politique, en construisant des alternatives qui doivent s’inscrire dans des pratiques pédagogiques concrètes. Ce texte perspicace, qui fait écho à ceux de Hugues Lenoir et de Fabien Granjon, offre aussi des perspectives qui passent par la promotion de mouvements d’auto-organisation, y compris en dehors de cadres traditionnels et institutionnels.
La rubrique Témoignages s’ouvre avec le récit de Charlotte Dementhon, Claire Ichou et Jeanne Gilbert, dans un article intitulé « Faire de la formation dans une association d’éducation populaire ». Les autrices explorent les tensions dont elles font l’expérience en tant que permanentes d’une association membre du réseau des Créfad (centres de recherche, d’étude, de formation à l’animation et au développement), porteuse de formations dans le champ de l’éducation populaire. Cet article interroge l’écart entre une intention politique de formation critique et des commandes institutionnelles orientées vers un accès récréatif à la culture et aux loisirs ou des conditions administratives rigides en matière de certification des formations. Les autrices nous invitent à découvrir comment la conception et l’animation de formations peuvent se trouver à leur corps défendant imprégnées par la forme scolaire. Leur travail pour désenchevêtrer ce qui, dans leurs pratiques de formation, caractérise vraiment leur pédagogie d’éducation populaire, aboutit à un enseignement : ce n’est pas une question de méthode participative ou magistrale, mais d’explicitation du caractère situé et ouvert des connaissances, gage d’une appropriation critique que les autrices espèrent libératrice.
Dans son texte Sylvain Lestien, volontaire permanent du mouvement ATD Quart Monde, présente le projet de vacances familiales La Bise. Cette maison d’accueil propose à des familles qui vivent dans la grande pauvreté de passer un temps familial dans le Jura. L’auteur y explique comment les relations en dehors du cadre institutionnel permettent de créer des souvenirs et de proposer un espace propice aux interactions entre les parents et les enfants. Ces relations entre personnes accueillantes et personnes accueillies sont toujours dirigées vers l’exercice de la parentalité, sans proposer ni faire à la place des parents qui peuvent ainsi profiter avec leurs enfants d’un moment familial sans se sentir scrutés ni évalués dans leurs moindres faits et gestes. À lire donc, ce beau témoignage qui s’intitule « J’avais peur qu’on nous traite comme des enfants. La Bise, projet pilote d’ATD Quart Monde autour du droit aux vacances ».
Dans son article, Benjamin Rosoux témoigne de son expérience sur les difficultés posées par une éducation populaire en milieu rural au sein de l’association Pivoine, née en 2006 sur la Montagne limousine. Structurée suivant trois axes : formation, éducation populaire et pratiques d’intervention dans les groupes, Pivoine se meut dans un environnement délicat, en essayant de trouver un équilibre entre autonomie financière et indépendance institutionnelle. C’est ce modèle en constante évolution, autant dans son fonctionnement interne que dans son agencement dans le tissu local, qu’il détaille à partir de l’expression « faire Pivoine ». Mais cette volonté instituante n’est pas sans rencontrer des formes de résistance qui rendent difficile l’articulation d’un projet émancipatoire, porté principalement par des néo-ruraux confrontés à des ancrages culturels qui interrogent sa légitimité. C’est alors l’ingéniosité de Pivoine, dans sa structuration des acteurs locaux, la pertinence de ses engagements, qui démontre la possibilité d’une éducation populaire politique sur le plateau de Millevaches, expérience dont pourraient s’inspirer bien d’autres territoires.
Coralie Condis, Andrea de Angelis et Véronique Bordes s’intéressent pour leur part à l’évolution des modes de financement des associations d’éducation populaire, plus précisément à l’importance prise progressivement par les marchés publics. Leur texte témoigne de la manière dont une structure, les foyers ruraux 31-65, a mis cette question au travail. C’est en collaboration avec des chercheurs que les acteurs et actrices de l’association en sont venu·es à interroger la pertinence d’une course interminable visant l’adaptation à ce nouveau contexte de mise en concurrence des associations… et à penser des voies pour échapper à cette course folle. L’auteur et les autrices décrivent ainsi la façon dont la structure a réaffirmé son identité, en référence à des valeurs d’éducation populaire, et pensé une manière de reconstruire son projet : le carnet de route. Il est un moyen de se projeter et ce, en s’appuyant sur les enseignements du passé et en gardant trace du processus, afin d’élaborer un regard distancié sur la manière de « faire avec » le contexte, ses évolutions et les contraintes qu’il semble imposer : « Nous devons trop souvent réagir alors que nous aurions aimé agir et ne pas être dans un type de mouvement qui s’adapte, mais plutôt transforme, imagine, propose, expérimente… » C’est sur la base de ces réflexions que l’auteur et autrices décrivent un ensemble de manières de faire très concrètes, fondées sur la solidarité entre associations plutôt que sur la concurrence, et sous-tendues par une stratégie : « se métamorphoser pour résister ».
Camille Ramond et Laetitia Dostrevie, toutes deux diplômées d’un master en sciences de l’éducation et de la formation de l’université Paris 8, racontent dans un texte à deux voix leur participation à la conception de ce numéro de revue. En confrontant leur expérience et leurs réflexions, elles élaborent le récit d’une aventure collective, devenue un véritable espace d’apprentissage pour chacune d’elles, dans lequel la mutualisation des connaissances et la reconnaissance de leurs pratiques professionnelles ont contribué à défaire le sentiment d’illégitimité vécu au début de cette expérimentation. Ces témoignages confortent la volonté des responsables de la revue de continuer à développer la dimension formative et formatrice de la revue, par des retours d’expérience comme celui-ci.
Pour finir, nous ne pouvions proposer ce numéro de Pratiques de formation/Analyses sans rendre un hommage à Bernadette Courtois, qui nous a quitté·es l’année dernière. Celui-ci en reprend et prolonge un premier, publié par Hervé Prévost dans Éducation permanente12 que Gaston Pineau, Hélène Bézille, Christian Verrier, Pierre Landry, Jean-Louis Le Grand, Pascal Galvani, Artemia Christine Campini et Mohammed Melyani sont venus enrichir. Ce témoignage nous rappelle l’importance du travail de Bernadette Courtois dans le champ de l’éducation permanente. En retraçant l’itinéraire de cette « chercheuse-militante », en évoquant les réseaux qu’elle a su fédérer, son engagement et son enthousiasme, nous espérons que ce touchant hommage donnera envie de (re)lire ses publications et celles qu’elle a dirigées.
La rubrique Choses lues, entendues et vues de cette revue peut accueillir des recensions de publications scientifiques, mais elle se veut plus largement ouverte à la présentation d’évènements ou de manifestations artistiques et culturelles, d’expositions, de films, d’ouvrages de tous types. Les deux textes retenus pour ce numéro rendent bien compte de cet esprit. Le premier, rédigé par Fabien Granjon, constitue la recension croisée de deux publications récentes (l’une de Nathalie Heinich, l’autre de Myriam Revault d’Allonnes), interrogeant les liens entre militantisme et recherche. Si ces deux courts ouvrages abordent à première vue des questions proches, Fabien Granjon montre qu’ils relèvent de deux registres très différents. Le second texte, de Houria Meddas-Mosbah, propose une critique du film documentaire Maîtres (2021), réalisé par Swen de Pauw. L’autrice décrit de manière quasi-ethnographique le métier de deux avocates, engagées principalement dans la défense des étrangers et étrangères, tout en mettant en évidence les résonances de ce long-métrage avec les problématiques de l’éducation populaire.